Extrait de :
« L'agriculture vivrière mélanésienne », par Jacques
Barrau, édité par la Commission du pacifique Sud, en 1955 .
Dans
ce chapitre, l'auteur, agronome et ethnobotaniste, décrit ses
observations des systèmes agricoles de haute altitude en
Papouasie-Nouvelle-Guinée, dans les années 1950. Jacques Barrau
nous permet ainsi de découvrir un système de « buttes
permanentes » ou de « permaculture » certainement
très ancien.
« A
partir de 1500 mètres, les cultures vivrières tropicales telles que
les ignames, taros et bananiers, ne sont plus profitables. Une seule
plante à tubercule est d'une production relativement satisfaisante.
C'est la patate douce, culture vivrière de base des montagnards de
la Nouvelle-Guinée. Mais si cette culture est la seule intéressante,
elle n'est pas pour autant facile. On s'en rendra compte par
l'exemple de l'agriculture indigène de la région des lacs Wissel
(…).
Les
jardins y sont situés soit dans la plaine marécageuse, soit sur le
coteaux. Même sur ces derniers le drainage est nécessaire. Il est
réalisé en aménageant le sol en billons carrés de 2 à 3 mètres
de côté entourés de fossés souvent profonds de plus d'un mètre.
Au moment du débroussage qui précède l'érection du billon,
l'herbe haute est arrachée et disposée en tas à l'emplacement de
chacun des monticules à ériger. Ensuite on laisse l'herbe croître
à nouveau de façon à bénéficier des produits d'un second
débroussage qui sont entassés sur ceux du précédent. Autour de
chaque tas de chaume, les fossés sont ensuite creusés.
La
terre et la boue sont alors rejetées sur la paille pourrie et ainsi
s'édifient les billons. Ceux-ci sont ensuite régulièrement
rechargés avec la boue organique provenant du curage périodique des
fossés.
Le
jardin est soigneusement enclos pour le protéger contre les
incursions des porcs. Les barrières sont d'intéressantes
réalisations techniques que l'autochtone met à l'abri des
variations climatiques en les protégeant d'un véritable toit de
chaume disposé sur leur faîte.
En
général, au long de cette barrière et à l'extérieur du jardin,
court un fossé de drainage plus profond que celui qui entoure les
billons. A l'intérieur de la barrière et tout au long de celle-ci,
est aménagé un billon continu où croissent de nombreuses herbes
dont les feuilles complètent la patate douce dans le régime
alimentaire de ces régions. Parmi ces herbes, on peut citer Setaria
palmaefolia, Amaranthus hybridus, Solanum nigrum, une
acanthacée qui est probablement Rungia,
une malvacée stérile et paraissant atteinte de nanisme, qui doit
être Hibiscus manihot.
Enfin des Colocasia y
sont aussi cultivés, mais seulement pour leur feuilles. Dolichos
lablab et une légumineuse à
racines comestibles qui doit être un Pueraria
s'y rencontrent aussi.
Près
de la maison, toujours bâtie dans l'enceinte du jardin, croissent
quelques bananiers et cannes à sucre ainsi qu'une canne à
inflorescences comestibles qui est probablement Saccharum
edule.
Cette agriculture, d'une technique fort avancée, se caractérise
donc :
- d'une part, par ce véritable compostage que constituent les
apports de paille et de boue organique sur les billons. Son but est,
d'après les autochtones, de « réchauffer les sol » ;
- d'autre part, par le drainage qui constitue une réalisation
technique remarquable.(…)
Dès
qu'un billon est récolté, on le recharge en boue et en paille et on
le replante à nouveau en patates douces. Ceci pendant parfois plus
de deux à trois ans dans le cas des jardins de coteau.
Sur les sols marécageux de plaine, les jardins dureraient plus
longtemps encore.(…)
En compensation de cette sédentarité, le compostage est utilisé
pour préserver la fertilité du sol. (…)
Dans ces régions, la surface moyenne par tête est de 5 à 8
ares. »
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Remarques:
Solanum nigra = brède morelle; Colocasia = taro d'eau; Dolichos lablab = haricot-dolique; Hibiscus manihot = chou kanak; Pueraria = magnagna (kechö).
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